Prise entre son passé ouvrier et la réalité sociale de la région, la ville de Guise et ses habitants (Aisne, Hauts-de-France) souffrent par ailleurs de préjugés et de clichés vus et lus dans certains médias.
Ces représentations, parfois avérées, sont souvent isolées d’une substance plus profonde que la simple image évidée et superficielle qu’on y colle.
Au cours de plusieurs séjours (résidence avec le collectif e_c_a_r_t), j'ai tenté de questionner ces images préconçues, d'en partir pour en construire de nouvelles afin notamment que les habitants puissent ré-apprivoiser une représentation noircie, en y glissant de l’humain, du ressenti, du partagé, la richesse d'instants vécus, et de tisser des liens avec l'histoire de ce riche territoire.
(légendes en bas à droite des images)
© Yoan JÄGER-STHUL / Divergence
"Ici pour réussir faut quitter Guise. Si t'as pas des connexions, tu restes là et tu tournes en rond. Y a pas d'avenir à Guise !" Sébastien et Max sont natifs de Guise et ne rêvent que d'en partir, de sortir du cadre.
La ville de Guise a été a été stigmatisée à travers certains reportages comme étant LA "ville poussette", avec cette notion délicate des "filles-mères", parfois même traitant les habitants de "cassoss". Ce genre de regard, étroit et limité, pèse encore sur les habitants, la ville et l'image que se font les gens d'eux-mêmes, exacerbant une défiance envers la capitale et les médias. Au sentiment d'abandon vient s'ajouter le mépris et le jugement.
Les jours de soleil, en milieu d'après-midi, l'ancienne concierge du Familistère Cambrais (l'un des bâtiments du Familistère de Godin) vient s'asseoir à la même place, ôte sa blouse bleue et profite une petite heure de la chaleur des rayons. Son mari n'est plus là. Le bâtiment du Familistère Cambrais, autrefois habité par les ouvriers de l'usine Godin qui devenaient naturellement propriétaires de leur logement grâce à leur travail, ne résonne plus avec l'utopie sociale collective imaginée par Godin. Les enfants jouent dans le jardin intérieur, le son des travaux d'appartements en rénovation résonne dans la cour.
Cette année la neige a recouvert la ville ; le temps d'une semaine, les boules de pétanque du terrain vague ont été remplacées par les boules de neige.
A Guise, la jeunesse rêve d'ailleurs, avec un horizon difficile à dépasser.
Enthousiaste, Monsieur A. vient d'emménager à Guise, il voulait y revenir. Avec sa femme, ils projettent d'acheter un appartement à Cambrais, ce bâtiment du Familistère Godin resté habité et qui fait face au musée.
La ville de Guise est traversée par l'Oise et le canal du Moulin. Par tous les temps et à toutes les heures, la pêche est ici un sport national.
Après une partie de pêche dans le parc du Familistère, les saucisses tutoient les flemmes sur fond de bière et de musique. Le goût de l'été...
Une cheminée menace de tomber sur la rue principale, barrée après que quelques briques vacillantes aient alertées les habitants. Cette séparation entre les habitants résonne avec les mesures sanitaires liées à la Covid 19.
C'est au café « Le Moderne » que les vendeuses du magasin de vêtements voisin viennent déjeuner en tue-tête le midi.
Fier de sa prise, c'est en bon pêcheur que K. relâche sa prise dans le canal du Moulin, bras de l'Oise qui serpente la ville.
Monsieur X. était de tous les rendez-vous Gilets-Jaunes. Le gilet est au placard mais les réunions ont encore lieu.
Première photo à Guise, au café « Le Moderne ». Les cafés sont les lieux de vies de la ville. Tous les âges s'y côtoient et l'accueil y est chaleureux. Pour autant, leur nombre a encore diminué, de nombreux commerces ayant baissé le rideau ces dernières années. Avec la crise sanitaire, chacun reste d'avantage chez soi et beaucoup se sentent isolés.