A l’est du Congo, des dizaines de groupes armés se livrent une guerre sans merci afin de piller le sol très riche en minerais. Depuis plus de 20 ans, ces multiples rébellions ont engendré toute une génération d’enfants soldats. Kibomango s’élève contre ce fléau. Lui-même ancien Kadogo, comme on les appelle ici, il est surtout connu pour être le champion de boxe de la RDC de 2008. Lunettes noires, pantalon en sky, chaussures de boxe made in China et blouson de moto sur le dos, le personnage en impose. Son physique est à l’image de sa vie : violente, balafrée et rugueuse. « A 14 ans, j’avais déja vu trop de massacres. Je me suis engagé dans l’armée pour protéger les miens ». Pendant plus de 11 années, il sera de toutes les batailles jusqu’à ce qu’un éclat d’obus lui fasse perdre son oeil gauche. Aujourd’hui, dans un bidonville de Goma, avec d’autres anciens soldats, il enseigne la boxe aux enfants des rues. Ces enfants sont les premières victimes des groupes armés : « Les recruteurs te promettent de l’argent, des femmes et la reconnaissance éternelle. Mais la seule chose que tu trouves dans la fôret c’est la mort, la faim et l’enfer. Je le sais, je l’ai vécu ». Quand je lui demande pourquoi, tous les matins, dès 6h, il est devant le stade avec ses deux paires de gants usées et son sac de frappe pour donner un cours à des enfants qui ne pourront pas le payer, sa réponse est très claire : « Notre pays abandonne ses enfants, pas moi. Je suis comme eux, un enfant des rues, mais tout le monde me connaît comme le champion des champions. Pour les gosses, ça leur donne l’espoir d’être autre chose qu’un “shégué”* ».
© William DUPUY / Divergence
Eritier SHABANYERE, 20 ans, prof du "club de l?amitie". Eritier a 16 ans lorsqu?il se fait enlever sur la route. Il a passe 3 mois dans la foret a servir les rebelles. "J?ai vu des gamins se faire assassiner car ils demandaient plus de nourriture." Lorsqu?il arrive a s?echapper, il rejoint Goma ou il rencontre Kibomango. Ce dernier va lui apprendre la boxe et l?aider a trouver un travail.
Balezi BAGUNDA alias Kibomango, dit le champion des champions ou le coach. ? 14 ans, il s?engage volontairement dans la rebellion de Laurent Desire Kabila. Apres 11 annees passees de rebellions en rebellions, un eclat d?obus lui emporte son ?il gauche. Cela ne l?empechera pas de devenir champion des Mi-lourds de la RDC en 2008.
Eritier SHABANYERE, 20 ans, prof du "club de l?amitie". Eritier a 16 ans lorsqu?il se fait enlever sur la route. Il a passe 3 mois dans la foret a servir les rebelles. "J?ai vu des gamins se faire assassiner car ils demandaient plus de nourriture." Lorsqu?il arrive a s?echapper, il rejoint Goma ou il rencontre Kibomango. Ce dernier va lui apprendre la boxe et l?aider a trouver un travail.
Un peu avant 6h du matin les premiers boxeurs attendent l'ouverture du stade de foot dans lequel se deroule les entrainements.
"Venir a l?entrainement permet aux enfants des rues d?etre autre chose que des shegue*. Ils sont des boxeurs. ?a leur donne un peu de confiance meme s?ils repartent de l?entrainement le ventre aussi vide qu?a l?arrivee." Ces enfants sont les premieres victimes des groupes armes. Souvent orphelins, les recruteurs savent les appater avec des promesses d?argent et de pouvoir. Une fois dans la foret, ils seront drogues et armes afin de grossir les rangs d?une rebellion qui ne sert que l?interet d?un chef de guerre. *terme utilise a Goma pour designer les enfants des rues
Un enfant devant un sac de frappe trop haut pour lui.
Tous les adultes qui interviennent dans le club sont d'anciens enfants soldats. Quand je demande a Quedrique si cela est un critere il me repond l'air etonne : ?Mais nous sommes tous des enfants soldats? comme s'il n'etait pas possible d'etre autre chose.
Tous les adultes qui interviennent dans le club sont d'anciens enfants soldats. Quand je demande a Quedrique si cela est un critere il me repond l'air etonne : ?mais nous sommes tous des enfants soldats? comme si il n'etait pas possible d'etre autre chose.
? part un peu de bricoles dans la mecanique, Kibomango n?a aucun revenu. La boxe ne lui rapporte rien si ce n?est une celebrite aupres des habitants de Goma. Il y a eu un incendie dans son quartier, la mairie en a profite pour raser toutes les maisons construites illegalement. "Quand ils sont venus pour me virer de chez moi, je leur ai dit que je tuerais le premier qui touchait ma maison. Ils me connaissent, ils savent que j?ai deja tue et que je peux recommencer. Mais ils reviendront et la c?est peut etre eux qui me tueront."
Kibomango s'entraine a la fin de son cours.
6h du matin. C?est dans le stade des Volcans, a l?entree du bidonville, qu?ont lieu les entrainements. Ouverts a tous, il suffit d?etre la a l?heure. Les retardataires sont bons pour faire cinq tours de terrain mais ils s?executent sans broncher. Il y a beaucoup de curieux. "Les gens qui ne s?entrainent pas et qui regardent, profitent aussi de mes conseils. Ils ecoutent, et peut-etre que demain, tu les retrouveras a transpirer avec nous." Kibomango est toujours positif quand il s?agit du club.
C?est aussi l?occasion pour parler avec les enfants. Tous autour du champion, le coach raconte son histoire : "Dans un groupe arme, ce que l?on te demande c?est de boire le sang de tes victimes. Tu as envie de gouter le sang d?une personne que tu viens de tuer ? Non ! Alors ne prend jamais les armes. Tu as envie de vivre dans la jungle ? De dormir avec les animaux feroces qui peuvent t?attaquer ? Non ! Alors ne rentre jamais dans un groupe arme." La methode est a l?image du pays, brutale.
La vie de Kibomango est gravee sur son corps. Entre les cicatrices et les tatouages on devine un itineraire des plus douloureux. En 2009, lors de son dernier combat, il donne un coup fatal a son adversaire qui meurt sur le ring. Tres attriste par la mort de son ami, il decide alors de reprendre le club qui l?a fait champion : le club de l?amitie. Il commence alors a enseigner le noble art aux enfants des rues. Il est tres vite rejoint par d?autres anciens enfants soldats.