C’est ma 4ème coupe du monde de rugby et certainement la dernière. Après 1999, 2007 et 2015, ma demande d’accréditation est acceptée depuis avril et j’ai rempli mes « vœux » de matchs en ligne pour les phases de poule. J’ai demandé 7 rencontres, celles de la France et celles qui se jouent au stade de France. Mes choix sont acceptés et je récupère mon accréditation à Roland-Garros. J’ai décidé de continuer de faire des photos filées (flou de mouvement), c’est en partie ce qui me distingue depuis 20 ans. Préparation de la valise de matériel, chargement des batteries, « flexion », « liez », « jeu »..
© Vincent LELOUP / Divergence
Finale de la coupe du Monde de rugby 2023 opposant l'Afrique du Sud à la Nouvelle-Zélande au stade de France. L'Afrique du Sud s'impose 12 à 10 et devient championne du Monde pour la 4ème fois. Le pilier néo-zélandais Ethan De Groot hurle de douleur dans un ruck après a voir reçu un coup de coude.
Match d'ouverture France - Nouvelle-Zélande, stade de France à Saint-Denis. Il fait chaud et humide, un climat tropical et une ambiance de dingue dans le stade de France. Ça tremble, ça saute, ça chante. Pour ce premier match, j’ai récupéré ma chasuble vert lagon, numéro 486, que je devrais porter lors des matchs. Il y a flopée de photographes (une centaine), le processus de distribution des emplacements n’est pas encore rodé et le responsable se retrouve très vite cerné par une foule de photographes tendus. Je choisis une position dans les tribunes et j’emprunte un 500mm chez Canon qui assure, en tant que sponsor, un service de réparation et de prêts. Les français assurent et passent l’obstacle.
Australie – Géorgie, stade de France à Saint-Denis. Un match à priori déséquilibré opposant une grande nation du rugby à une petite qui monte. Il y a beaucoup moins de photographes, beaucoup de places sont mêmes libres. Déjà une petite routine : ligne 13 du métro avec les supporters, passer au guichet porte U pour récupérer sont « ticket de match », fouille de la valise de matos et palpation, passage chez Canon pour prendre un téléobjectif plus moderne et moins lourd que le mien, prendre un casier pour poser le matériel dont je ne me sers pas, récupérer mon numéro de place, manger une pomme (c’est tout ce qu’on nous propose), et prendre place. Je choisi de nouveau une place en hauteur dans la tribune presse. La Géorgie ne fait pas illusion longtemps, dommage.
France – Uruguay, stade Pierre Mauroy de Lille. J’ai loué une voiture pour y aller et pouvoir rentrer après le match car je dois être à Paris à 9h00. J’ai obtenu une place de parking « presse », ce sera la seule. Cela me permet d’être à 50 m du stade. Il fait beau et chaud, le soleil se couche, la lumière est très belle. Une fois installé, je ressors pour faire des photos des supporters français autour du stade. Beaucoup de chapeaux-coqs. Je prends une « pitch position » (position terrain) qui aura ma préférence pour le reste de la compétition. L'attente est longue avant le match, on en profite pour se faire de nouveaux camarades ! C’est une équipe de France bis qui entame le match arbitré par Ben O’Keefe qui deviendra célèbre dans quelques semaines. Il pénalise beaucoup les français qui se font peur mais gagnent quand même. Retour en voiture, arrivée vers 2h30.
France – Namibie, stade Vélodrome de Marseille. Au vu des prix pratiqués par les hôtels et autres loueurs de logements, difficile de se loger sans amis photographes accueillants ! C’est Claude qui me loge à deux stations de métro de la gare et deux du stade. J’en profite pour faire le plein de savons et de pastis artisanal de la Plaine. Dans les stades, les photographes sont principalement placés derrière les en-but. Nous voulons tous changer d’en-but à la mi-temps pour toujours être face aux attaques françaises. C’est un casse-tête pour Tony chargé de nous placer. Je lui propose de prendre une position haute pour la première mi-temps et du coup il me donne une « chasuble mobile » pour la seconde mi-temps qui me permet de bouger le long de la touche. Les joueurs prémium comme les appelle Fabien Galtier font leur retour, et c’est un festival de courses, de percées, d’essais.
Irlande – Afrique du Sud, stade de France à Saint-Denis. Après le match d’ouverture, c’est le match qu’il ne faut pas rater entre deux prétendants à la victoire finale. Le métro est surbondé de bonhommes et bonnes femmes vert.e.s. Avec ma valise, c’est toujours pénible. En plus beaucoup mesurent 2m de haut et un de large. Dans le stade, c’est le vert d’Irlande qui domine, ce sont eux qui chanteront tout le match et longtemps après aussi. C’est prenant, ça fait vibrer. Je reconnais « Zombie » des Crandberries qui servira d’hymne aux supporters irlandais pour cette coupe du Monde. Le match est serré, l’engagement total, les irlandais prennent le dessus et restent favoris. Retour en métro avec les mêmes, sudafs et irlandais mélangés qui discutent et chantent.
France – Italie, au Groupama stadium de Lyon. Comme à Marseille, les logements sont hors de prix, c’est Guillaume qui m’accueille. Comme il habite à 45 mn de Lyon, je loue une voiture. Pas de parking attribué, d’autres photographes me diront que j’aurai du insister. Après le déjeuner, je file et je trouve un parking gratuit à une vingtaine de minute du stade. Le comptoir Canon est absent comme à Marseille. De nouveau tous les photographes veulent changer de côté à la mi-temps. J’attends. Patiemment et gentiment sans bousculer les autres photographes, et je me fais avoir ! Plus de sticker pour changer. J’aurai donc les français de dos en première mi-temps.
Irlande – Ecosse, au stade de France à Saint-Denis. Encore une fois la ligne 13 est envahie d’Irlandais. Sur le parvis du stade il y a quand même quelques kilts. Pour les retours, il faut attendre que le gros de la foule se soit évacué sans risquer de rater les dernières correspondances. En général je quitte le stade vers minuit après avoir sélectionné mes photos dans la salle des photographes puis il faut se jeter dans la foule, verte ce jour-là, qui descend les marches de la station Saint-Denis-Porte de Paris, s’agglutine sur le quai et se rue dans la rame quand elle arrive. Je dois essayer d’entrer en premier avec ma valise à roulette de 15kg. Pas de miracle pour les écossais, les irlandais finissent premier de leur groupe.
¼ de finale Irlande – Nouvelle-Zélande au stade de France à Saint-Denis. Pour le début des phases finales, il faut choisir ses matchs et faire des demandes en ligne. Je choisis les 2 quarts de finale ayant lieu au stade de France (Les deux autres ayant lieu à Marseille) et bien sûr les deux demi-finales aussi. Mes demandes pour les quarts sont acceptées, pour l’étape suivante, il faudra attendre de savoir quels pays se qualifient pour les demi-finales. Pour ce premier quart c’est serré. Les « Blacks » passent en tête et le restent jusqu’au bout malgré les assauts irlandais.
¼ de finale France – Afrique du Sud au stade de France à Saint-Denis. C’est LE MATCH, celui que l’on attend depuis le tirage au sort. La coupe sera belle ! C’est aussi maintenant que la presse non spécialisée pourrait s’intéresser à l’évènement, et donc publier des photos. Il fait beau et tiède. « On va gagner, allez les bleus, allons enfants ». Il y a tellement de photographes français que c’est difficile d’en trouver un sud-africain pour changer de place à la mi-temps. Je suis côté Sud, je cours le long de la touche avec mon barda, je double un photographe de Sipa, j’arrive côté Nord, je vois Sophie qui s’occupe de nous, je lui demande s’il y a une place de libre, « oui, la dernière ! ». Heureusement que j’ai couru, dommage pour Jean-Manu que j'ai doublé et qui repart dans l'autre sens. La fin de match est cruelle, adios la flèche du temps. Nous ne serons pas champions du monde et Ben O'Keefe rejoint la liste des détestés.
½ finale Nouvelle-Zélande – Argentine au stade de France à Saint-Denis. La France éliminée, ne jouant plus, les photographes français ne sont plus prioritaires. Je me retrouve refusé, sur liste d’attente pour les ½ finales. Le jour du match je me rends quand même au stade très tôt, il y a déjà une queue devant l’accès médias. Lorsque j’arrive au guichet, je préviens que je suis sur liste d’attente et j’alerte Andy qui contrôle la liste que j’attendrai au cas où certains accrédités ne viendraient pas. Tous les photographes qui rentrent compatissent avec moi. A 19h30, l’info arrive, je peux entrer, première victoire. Les « Blacks » se baladent et iront en finale.
½ finale Angleterre – Afrique du Sud au stade de France à Saint-Denis. Il pleut, j’ai pris tout l’équipement pour passer 2 heures humides, mais je n’ai pas, comme la veille, mon ticket de match. C’est un peu moins sympa, j’ai l’impression d’être un grain de sable dans leur routine. Ce n’est qu’à 20h30 qu’on me laisse entrer en me prévenant que je ne pourrais pas refaire ça pour la finale ! Une fois arrivée à la salle des photographes, je plaide ma cause auprès de Rodolphe, le chef. Pour la première fois j’ai une préférence pour l’Angleterre, mais comme la France c’est une défaite d’un point. C’est l’automne, il pleut, il mouille et Ben O'Keefe est toujours là.
Petite finale Angleterre – Argentine au stade de France à Saint-Denis. J’ai fait mes demandes de ticket pour les deux finales, la petite et la grande. Ma cause a été entendue, je n’aurai pas à attendre une hypothétique absence, je suis « confirmed ». Une fois sur place pour ce match, j’entends les plaintes de plusieurs photographes à propos des attributions de ticket pour la finale de demain. Le nombre de photographes par agence a été limité, et certains n’ont qu’une place au lieu de 2 ou 3. Je ne sais pas si ces restrictions toucherons l’agence Getty qui avec ses tendances monopolistiques diffuse pas moins de 20 photographes sur cette coupe du Monde, mais je ne crois pas ! Rien à dire sur le match sans vrai enjeu, j’en profite pour tester le Canon R3 et son programme d’assistance au « filé ».
Finale Nouvelle-Zélande – Afrique du Sud au stade de France à Saint-Denis. Arrivée au stade, au pas, avec une patrouille à cheval. Je trouve Paul qui comme moi pour la semaine dernière n’est pas « confirmed » et qui attend une défection de dernière minute. Il rentrera vers 20h30. Je remarquerai plus tard qu’au moins 5 positions côté nord sont non-occupées ce qui démontre les approximations de la gestion des photographes. En 2007, pour la précédente coupe du monde en France, il y avait 250 places, cette année c’est 110 ! Une photo est organisée après la remise de la coupe sur un côté avec du champagne. Petit problème, l’organisation a oublié de prévenir l’éclairagiste. C’est donc dans le noir que les sud-africains exultent et font péter les bouchons. Ça ronchonne dans la salle des photographes. La « colo » est finie, on se sépare, certains se retrouveront pour le tournoi, pas moi, j’ai décidé que c’était mon dernier évènement.