REPORTAGE : Addis Ababa Mata Souks

20 photographies - 24 avril 2017

Il est 20h à Addis Abeba, nous sommes le samedi 27 mai 2017, il fait nuit et la saison des pluies prend de l’avance. Ce soir je m’aventure seul dans le quartier de Siddist Kilo, en quête de scènes pour étoffer ce projet. Les ruelles sont sombres et le vieux réseau d’électricité public les éclaire par endroits. De petites échoppes se distinguent et se transforment en oasis de lumière dans la pénombre.
Mon ami éthiopien Dawit se repose, et il en a bien besoin après le rythme intensif de ces dernières semaines. Nous avons passé de nombreuses soirées à explorer les zones populaires de la capitale éthiopienne, à la rencontre de ses habitants. Les échoppes de nuit s’avèrent être un bon contexte pour partager, saisir les habitudes de vie, les rêves des uns et des autres.
J’ai découvert l’Ethiopie il y a un an quasiment jour pour jour. J’y suis aujourd’hui pour la seconde fois, avec en tête un projet photographique plus global sur ce pays fascinant.
Le soir, alors que je marche dans les rues d’Addis Abeba, des échoppes forment de surprenantes compositions devant moi. Elles attirent tout de suite mon regard.
La série « Addis Ababa Mata Souks », littéralement « Les échoppes de nuit d’Addis Abeba », est née.
Siège de l’Union Africaine, Addis Abeba connait un développement rapide, qui ne profite pas à tout le monde. Les chantiers démesurés de construction surplombent les petites boutiques de rue dans lesquelles les vendeurs tentent d’améliorer leur quotidien. Au même moment, le Sud-Est du pays connait une inquiétante insécurité alimentaire.
En raison de certaines tensions politiques ou ethniques, l’état d’urgence actuel du pays rend les prises de vues dé- licates, notamment hors des sentiers touristiques. En plus des commerçants, il a fallu argumenter et négocier avec la police locale, parfois tendue, ou avec les défoncés au Khat. Dans un souci de discrétion et de rapidité, tous les clichés ont été pris à main levée. Je laissais entrevoir mon appareil le moins possible, juste le temps de l’extraire de l’intérieur de ma veste.
Cette démarche photographique se veut à la fois artistique et documentaire. Les clichés obtenus rassemblent des scènes lumineuses encadrées par l’obscurité. Et en abordant plus d’une cinquantaine d’échoppes, il nous a permis d’échanger avec de nombreuses personnes, et de révéler ici leur existence.
Jeff Le Cardiet, mai 2017