Onze étudiants venus d’universités des quatre coins des Etats-Unis se rejoignent en Alaska, à bord du navire de recherche « Le Sikuliaq ». Ces étudiants sont parmi les chercheurs de demain, les scientifiques qui seront au chevet des océans et pour certains des environnements arctiques. Ils embarquent à bord de ce navire pour une expédition entre les ports de Nome et Seward dans le cadre d’un programme scientifique Stemseas en mer de Bering. Encadrés par cinq enseignants en microbiologie, océanographie, géologie, météorologie et communication scientifique, ils vivent pour la plupart leur première expérience en mer. Une série de portraits et d'entretiens pour leur donner la parole et recueillir leur témoignage sur cette expérience, leurs études, leurs ambitions professionnelles, leurs rêves et leurs visions pour la recherche océanographique.
© Elisabeth RULL / Divergence
Jennie Humphrey est étudiante en biologie de la faune sauvage, conservation et agriculture durable à l’Université d’Alaska de Fairbanks. Elle étudie actuellement la manière dont les communautés microbiennes affectent la croissance et la santé des plantes. "Je suis boursière du programme BLAST et c’est Anne-Lise Ducluzeau qui m'a parlé du programme Stemseas. Je ne savais pas à quoi s’attendre de ce programme sinon que ce serait sur un bateau et que ce serait une introduction à l’océanographie. J'aimerais poursuivre des études sur la recherche en mer et cette expérience m'a permis de vérifier que j'avais le pieds marin et de prendre conscience de ce que représente une campagne scientifique en mer à bord du Sikuliaq, les différents protocoles scientifiques. J'ai beaucoup appris des enseignants mais aussi des autres étudiants. Cette expérience sera indéniablement un plus sur mon CV !"
Demi Carballosa est une étudiante de deuxième année au Miami Dade Honors College, en Floride. Elle poursuit actuellement un cursus en sciences de l'environnement tout en terminant des recherches sur la microbiologie à l'Institut des sciences de l'alimentation et de l'agriculture de l'Université de Floride à Fort Lauderdale. Une fois son diplôme obtenu en 2019 dans son cursus, elle vise un diplôme en océanographie. « Il y a encore un an, je n’aurais pas imaginé avoir une telle opportunité de vivre une telle expérience sur un navire de recherche. Les premiers jours à bord ont été difficiles, nous venions des quatre coins de Etats Unis, et la mer a été dure avec cette tempête au début. J’ai été si malade que je voulais rentrer chez moi au début, mais c’était impossible, et puis ça valait le coup de s’accrocher ! C’était difficile de programmer ça au mois d’octobre avec les cours à l’université et de mettre sa vie quotidienne entre parenthèses, mais cette opportunité représente beaucoup pour moi, ça me conforte dans l’intuition que j’avais sur mes ambitions en océanographie, mais aussi les perspectives offertes par d’autres méthodes comme la microbiologie, la géologie… Cette expérience m’a fait vivre vraiment ce qu’est la recherche en mer, réellement. Les rencontres avec les enseignants et les autres étudiants accroissent mon réseau et certainement les opportunités de carrières par la suite.»
Sam Radcliffe a 27 ans. Il étudie actuellement les sciences de l’environnement au Mt. San Antonio College à Walnut, en Californie. Son objectif est de contribuer à la protection des écosystèmes naturels vitaux ou à la restauration de ceux qui ont été dégradés. « Il y a une chose importante dont j’ai pris conscience lors de cette expérience, c’est que la recherche scientifique en mer requiert bien plus que la connaissance scientifique. Il y a le bateau, l’équipage en entier, du capitaine au cuisinier, le matériel, et comment toutes ces personnes travaillent ensemble et la synergie qui doit exister dans cette équipe pour que la campagne de recherche soit productive. J’ai l’impression que c’est comme une grande famille à bord, comme une machine sociale, qui fait un énorme travail. Je pense qu’on n’a pas idée de ça lorsque l’on ouvre une publication scientifique, à moins de l’avoir vécu soi-même ! Cette expérience me conforte dans mes choix et je me sens plus armé, plus compètent, plus légitime à prétendre à ce genre de carrière. »
Noah Khalsa est étudiant en sciences marines et halieutiques à l’université d’Alaska de Fairbanks. Il a travaillé sur plusieurs projets de recherche de premier cycle, allant de la cartographie ADN environnementale de l’habitat hivernal du saumon quinnat à la recherche sur les effets de l’acidification des océans sur les organismes. Il souhaite poursuivre ses études avec une maîtrise en écologie marine et poursuivre une carrière sur l’étude de la façon dont la physiologie, le comportement et la distribution des organismes marins vont changer dans les futures conditions océaniques. C’est un partenariat entre sa bourse BLaST et les programme Stemseas qui lui a permis de participer à cette campagne en mer. « Depuis tout petit, je suis fasciné et amoureux de l'océan. En grandissant, j'ai regardé les documentaires de Jacques Cousteau et pêché pendant d'innombrables heures avec mon père, ce qui sans doute m'a inculqué cette passion. Après ce stage à bord du Sikuliaq, je sais que je suis capable de travailler en mer plusieurs semaines, même si je sais que je ne vivrais pas pour toujours sur un bateau ! Cette semaine loin de l’environnement scolaire m’a permis de prendre du recul, d’être hors du monde. Ca a conforté ma passion pour la recherche scientifique et les océans….et puis j’ai eu le mal de mer, et maintenant je sais faire les nœuds marins ! »
Myesa Swangel, 18 ans, est étudiante en zoologie à l’université Bellevue à Washington. « C’est vraiment la première fois que je participe à un protocole de recherche scientifique et c’est fou d’avoir fait ça à bord d’un bateau, en Alaska, au milieu de nulle part ! Et même si j’ai beaucoup souffert du mal de mer, ça a été une expérience fantastique. ! »
Hillary Smith, 27 ans, est étudiante en Sciences de la Terre et de l'Espace avec une spécialisation en Biologie à la Washington université à Seattle, avec une spécialisation géobiologie et l'astrobiologie. «Je suis très intéressée par l’astrobiologie, en particulier les microorganismes, . J’ai été impressionnée par le travail d’équipe à bord, une sorte de vie en communauté, l’atmosphère. Je n’ai pas souffert du mal de mer. En ce qui concerne ma carrière, c’était quelque chose de complètement nouveau, je n’avais jamais été en Alaska, ni sur ces mers même si j’avais déjà navigué auparavant. Mes aprioris sur l’Alaska, que je pensais un pays glacé, ont évolué. J’ai aussi découvert que l’approche microbiologiste m’intéressait beaucoup, avec l’utilisation du MinION de Nanopore. »
Jesse Trott est étudiante en études environnementales à la Portland State University. « Je veux être un écrivain spécialiste de l'environnement dans le but de rendre le monde de la science accessible à tous. J'ai passé mes années de lycée à vivre sur la côte de l'Oregon, où je suis tombé profondément amoureuse de l'océan et a développé une fascination pour les bateaux. Durant ce programme en mer, j’ai malheureusement beaucoup souffert du mal de mer. Mais ça ne change rien à mes objectifs et cette expérience à bord va profondément marquer mes études. Tout ce qu’on a vécu et appris à bord, la science, les protocoles, va avoir une influence sur la suite de ma carrière, je ne sais pas encore exactement comment, mais j’en suis persuadée. »
James Kowalski, étudiant en géosciences de l'environnement à l'université d'Utah à Salt Lake City, est originaire de Chicago. Parallèlement à ses cours, il a entrepris un projet de recherche de premier cycle au Centre paléomagnétique de l'Utah, qui étudie comment les sédiments marins côtiers préservent les informations sur les processus de surface (altération et érosion) lors de brusques transitions climatiques. « Je tenais vraiment à voir comment la recherche scientifique se faisait sur un navire, la vie en mer, les protocoles spécifiques, la façon de collecter et traiter les données en laboratoire à bord. Je n’ai pas souffert du mal de mer. J’ai aimé la navigation, être en pleine mer. J’ai adoré découvrir le RV Sikuliaq, discuter avec les membres d’équipage, leurs métiers, leurs histoires de marins. Ça m’a conforté dans mon désir de participer à des expéditions scientifiques. J’aime la photographie, aller dans des endroits à part, sortir de ma zone de confort, rapporter des images de ces endroits. Cette expérience Stemseas est exceptionnelle. J’ai envie que cette semaine qui a été hors de mon quotidien devienne mon quotidien professionnel à l’avenir, cette semaine ouvre l’esprit, ouvre des perspectives nouvelles, élargie le réseau, de nouveaux contacts. L’océanographie est très intéressante, mais cela génère des sommes de données énormes à analyser et j’aime plutôt les choses concrètes, c’est pour ça que j’aime la géologie. J’aimerais poursuivre des études supérieures en glaciologie. »
Katie Jo Campbell est étudiante en médis des communications (spécialisation photographie et vidéo) à l’université Indiana de Pennsylvania. « J’avais plusieurs fois candidaté à de précédents programmes Stemseas, et ma candidature a été accepté à celui-ci. J’ai toujours été intéressée par la biologie marine et j’avais très envie de documenter une campagne scientifique en mer, même si par la suite, je souhaite devenir photographe et vidéaste pour découvrir et faire connaitre de nombreux endroits dans le monde. Je n’avais jamais mis les pieds sur un bateau avant cela, je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait à bord. Je n’avais pas envisagé une vie en mer, comme la vivent les membres de l’équipage, en pleine mer. Faire découvrir au public ce qu’est réellement le métier de chercheur, leur quotidien est un enjeu important pour moi. J’ai tout découvert de l’Alaska, et j’aimerais revenir faire un documentaire sur les villages natifs dans le Nord. »
Alexis Ruiz est étudiante de premier cycle au Mt San Antonio College. Elle se spécialise en géologie et espère devenir océanographe. "Je n'ai jamais été loin de chez moi plus de deux jours, c'est une expérience folle pour moi ! Je viens d'une famille traditionnelle mexicaine, ça me fait sortir de ma coquille et rencontrer tant de gens nouveaux. Cette expérience me fait comprendre la réalité de la recherche scientifique, un fois la thèse obtenue, mais aussi de ce que c'est d'être une femme de couleur dans un environnement professionnel d'hommes blancs.
Kevin Huo est étudiant de premier cycle à l'Université de l'Alaska Fairbanks avec une spécialisation en anthropologie et en sciences politiques et j'étudie les lacunes dans les soins aux étudiants sur le campus en relation avec l'anthropologie médicale et je suis bénévole au Museum of the North. « Le RV Sikuliaq est appareillé par notre université et c’est mon professeur d’anthropologie médical m’a recommandé cette expérience. En tant qu’anthropologiste, je pense qu’il est très important de connaitre le potentiel des recherches scientifiques et leurs méthodologies. Dans la vie, selon moi, on devrait toujours s’attendre à l’imprévisible et le travail à bord représente cela. J’ai adoré rencontrer les membres de l’équipage, écouter leurs aventures autour du monde. On ne réalise qu’on est seul que lorsqu’on sort sur le pont pour regarder la mer et on ne voit que soi, le bateau et l’océan. Ce voyage m’a ouvert les yeux sur le champs des possibles de ces observations, et à sortir de ma zone de confort, de réaliser de quoi je suis capable. »
Rachel Lekanoff, 26 ans, est une étudiante diplômée en océanographie àl’Université d’Alaska Fairbanks. Elle a navigué dans l'Océan Arctique, le golfe d'Alaska, l'Océan Pacifique tropical et l'Océan Austral pour étudier les microorganismes. Ses recherches portent sur les communautés microbiennes associées aux particules des mers de Bering et des Tchouktches et leurs effets sur le cycle du carbone. « Mon travail à bord est d’assister Anne Lise Ducluzeau sur le workshop de séquençage d’ADN environnemental, selon le dispositif MinION et MinIT. De plus, étant diplômée, je peux aider et conseiller les étudiants de ce programme qui eux préparent leurs diplômes. C’est la troisième fois que je travaille sur le Sikuliaq et la sixième fois sur un navire de recherche pour des campagne scientifiques, mais c’est la première fois que j’encadre et accompagne des étudiants, avec cette perspective d’enseignement. Ce programme leur permet de confronter leurs connaissances théoriques à la réalité d’une campagne scientifique en mer, de voir concrètement si ça leur plait vraiment, la vie et le travail en mer, de voir s’ils ont le mal de mer par exemple… J’ai été impressionnée par le travail des étudiants pendant ce programme, les projets qu’ils ont présenté, les données recueillies et analysées. »
Anne-Lise Ducluzeau est une post doctorante française qui vit et travaille à Fairbanks, en Alaska. Elle travaille au sein du laboratoire de Devin Drown, à l'institut de Biologie Arctique. C'est à la fois un choix de vie et les circonstances de son parcours qui l'ont amené à quitter la France environ un an après sa thèse et à poser ses valises en Alaska en 2014. Depuis, elle développe un travail de recherche en microbiologie et biologie moléculaire spécialisé sur le séquençage d'ADN environnemental, en s'appuyant sur les outils de Oxford Nanopore Technology, développant les techniques de séquençage in situ, dans des régions isolées et conditions extrêmes. Anne Lise anime à bord du navire de recherche le RV Sikuliaq un atelier de séquençage d'ADN environnemental (l'eau prélevée à différentes profondeurs avec le CTD), en utilisant pour la première fois le dispositif MinION associé au MinIT de Nanopore, dont elle transmet l’usage aux 11 étudiants à bord.
Nicole Couto est postdoctorante à l'institut Scripps et s'intéresse à l'océanographie physique polaire. Elle utilise des véhicules autonomes, des instruments remorqués par des navires et des amarres pour étudier le mouvement et la transformation des masses d’eau dans les parties de l’océan mondial recouvertes de glace pendant une partie de l’année. Elle a obtenu son doctorat de l'Université Rutgers en 2017 et a étudié comment la chaleur de l'océan sous la surface se déplace le long du plateau continental de la péninsule Antarctique. Depuis le début de son postdoctorat, elle s’est tournée de l’autre côté de la planète, où elle étudie le transport des eaux chaudes du Pacifique par le détroit de Bering et dans l’océan Arctique. Elle rejoint l'équipe STEMSEAS alors qu'elle vient de terminer une campagne de recherche sur le Sikuliaq en septembre 2018. L'un des principaux objectifs de l'expédition consistait à comprendre comment le réchauffement océanique est mélangé, diffusé et remonté à la surface dans l'océan Arctique. et comment cela pourrait changer avec la saison de glace de mer estivale raccourcie.
Daniel Hauptvogel est professeur adjoint au Département des sciences de la Terre et de l'atmosphère de l'Université de Houston, où il enseigne la géologie. Ses recherches ont principalement porté sur les conditions paléoclimatiques et paléo-océanographiques en Antarctique pendant les périodes de fortes concentrations de CO2, en examinant les sédiments marins et les micro fossiles. A bord du RV Sikuliaq, il est le chef scientifique de ce programme Stemseas et anime un atelier de géologie auprès des étudiants.
CaT Bobino est ambassadrice STEM (Science, Technologie, Ingénierie et Mathématiques) avec une maîtrise en biologie. Elle produit une émission hebdomadaire dans laquelle elle interviewe diverses personnes de STEM afin de présenter les différentes opportunités qui s'offrent aux étudiants. Elle est l'auteur de In The Know: Préparer votre enfant à une carrière dans ce domaine. Biologiste, enseignante, conférencière et animatrice, elle siège également au conseil d'administration de Self e-STEM, une association à but non lucratif qui encourage les jeunes filles de couleur à apprendre et à poursuivre des études en STEM. Elle diversifie et démystifie les STEM par le biais de son entreprise de conseil, In The Know Consulting, LLC. In The Know Consulting propose aux parents, aux enseignants et aux élèves des présentations sur l’importance de la formation en STEM, ainsi que sur l’identification des principaux acteurs dans ces domaines. Elle mène à bord du Sikuliaq un workshop sur la communication scientifique.
John Guthrie est associé de recherche au Polar Science Center où il travaille avec le Dr. Jamie Morison. Sa thèse en océanographie physique à l'Université de Washington.portait sur la comparaison des mesures de vitesse récentes et historiques dans l'océan Arctique central afin de déterminer s'il y avait eu une augmentation du mélange causé par le cisaillement intérieur depuis les années 1980. Il travaille actuellement sur un ensemble de données de microstructure de température. Depuis le début de ses études supérieures, il a participé à diverses campagnes sur le terrain, notamment 3 saisons de terrain NPEO, la croisière NABOS 2013 et plusieurs vols SIZRS. John a obtenu un double diplôme en mathématiques et en anglais de l'Université de Puget Sound à Tacoma, dans l'État de Washington, en 2002. Il est titulaire d'une licence de capitaine USCG de 100 tonnes et a travaillé comme capitaine de bateau d'excursion à Prince William Sound, en Alaska, avant d'arriver au Polar Science.