C’est dans un petit village de 35 habitants perdu au milieu des bois de la commune du Vals-des-Tilles (Haute Marne) qu’est née Marie-Claude, agricultrice de 37 ans, au sourire indéfectible malgré la vie de labeur qu’elle mène depuis plus de 10 ans depuis qu’elle a repris la ferme de ses parents et s’est associée avec son oncle Régis pour faire vivre leur exploitation familiale mixte de 70 vaches laitières et 200 hectares.
Ici, l’aventure est à l’autre bout du pré quand une vache s’évade dans les bois et qu’on ne la retrouve qu’une semaine plus tard.
Tout est décor de cinéma, de la salle de traite avec ses toiles d’araignées qui semblent centenaires, aux pièces à vivre des maisons dont les papiers peints noircis par les émanations du poêle à bois se marient parfaitement avec le sol « couleur brut patinée» de pas lourds et fatigués.
Avec Marie-Claude, se succèdent les temps de la ferme qui, au fil des saisons, laissent leurs marques d’usure imprégnant sournoisement les murs et les objets, tout comme les corps et les visages de ces héros ordinaires bien trop occupés à leur ouvrage quotidien pour se soucier des apparences.
Malgré les corps harassés et parfois malades, ces temps de la ferme s’écoulent et doivent s’écouler. C’est comme ça. Marie-Claude n’envisage maintenant plus sa vie autrement.
Son frère Jean-Luc est parti travailler dans une entreprise de plastique, elle, vit avec ses parents, Sylviane et Alain - officiellement retraites de l’exploitation - dans leur maison familiale, entourée des bâtiments où sont logées les bêtes.
Il n’y a que la route a traverser pour découvrir la maison de la grand-mère Françoise, 81 ans récemment diagnostiquée Alzheimer.
Son fils Régis, vit quant a lui a quelques mètres dans une autre maison familiale avec sa compagne et leur enfant…. CR, janv. 2017
© Corinne ROZOTTE / Divergence
Alain, agriculteur retraite, pere de Marie-Claude. Voir reportages CRO0241 et CRO0242 sur Divergence
Marie-Claude finit souvent de travailler apres 22h, elle a alors cumule plus de 13h de travail dans la journee. Ici avec sa chienne Border Collie, Jade.
Marie-Claude dans la salle de traite. Marie-Claude, 38 ans, a repris l exploitation de ses parents et s est associee avec son oncle Regis pour creer un GAEC (Groupement Agricole d Exploitation en Commun) en 2006, comprenant a la fois un troupeau de soixante dix vaches laitieres dont le lait est vendu pour la fabrication du Langres - fromage labelise avec une AOP - et quelques 200 hectares de cereales et de fourrage pour les betes. Travaillant jusqu a des 16 heures par jour, Marie-Claude passe finalement plus de temps aupres des vaches et des veaux qu au contact des humains. Celibataire, elle a un peu voyage en Belgique et en Irlande a l occasion de stages apres avoir passe son Bac agricole. Depuis, Marie-Claude n a plus quitte la ferme sans manifester l envie de s en eloigner de trop et encore qu a de rares occasions, jusqu a Dijon ou Chaumont. « Je suis bien dans ma campagne » dit-elle, elle qui avoue ne seulement regretter que l epoque ou elle avait le temps de regarder des DVD comme « Le gendarme de Saint-Tropez », « La Septieme Compagnie » ou encore les films des Studios Marvel. Car, en plus de son exploitation, Marie-Claude travaille depuis 11 ans comme prestataire de service chez un autre agriculteur ou elle s occupe egalement d un troupeau de vaches laitieres. Payee 8 euros de l heure, cette activite lui rapporte un peu plus de 2000 € par trimestre, ce qui represente toutefois pour le GAEC un complement de revenu non negligeable. Elle passe tellement de temps dans l obscurite des etables et des salles de traite que son medecin lui a prescrit de la vitamine D pour lui eviter d etre carencee. Mais Marie-Claude, si elle continue a se servir de son corps comme de celui d une bete de somme, encourt de graves problemes de sante. Dernierement, elle a ainsi fait une hemorragie de l artere femorale apres qu un veau lui ait mordille l arriere du genou...si le SAMU est intervenu a temps, quelques jours plus tard, des examens complementaires reveleront
Marie-Claude dans son etable
Marie-Claude dans la stabulation. Villemervry est un village discret de 35 habitants perdu au milieu des bois de la commune du Vals-des-Tilles situe a 45 minutes a l Est de Dijon. C'est la qu'est nee Marie-Claude, agricultrice de 37 ans, au sourire indefectible malgre la vie de labeur qu elle mene depuis plus de 10 ans apres avoir repris la ferme de ses parents et s etre associee avec son oncle Regis pour faire vivre le GAEC de la Vallee du Nivernais, exploitation familiale mixte de 70 vaches laitieres et 200 hectares de fourrage et cereales. Ici, l'aventure est a l autre bout du pre quand une vache s evade dans les bois et qu on ne la retrouve qu une semaine plus tard. Ici encore, tout est decor de cinema, de la salle de traite avec ses toiles d araignees qui semblent centenaires aux pieces a vivre des maisons d habitation dont les papiers peints noircis par les emanations du poele a bois se marient parfaitement avec le sol « couleur brut patinee» de pas lourds et fatigues. Avec Marie-Claude, se succedent donc les temps de la ferme qui, au fil des saisons, laissent leurs marques d usure impregnant sournoisement les murs et les objets comme les corps et les visages de ces heros ordinaires bien trop occupes a leur ouvrage quotidien pour se soucier des apparences. Mais, malgre les corps harasses et parfois malades, ces temps de la ferme s ecoulent et doivent s ecouler. C'est comme ça, Marie-Claude n envisage maintenant plus sa vie autrement. Son frere Jean-Luc est parti travailler dans une entreprise de plastique, elle, vit avec ses parents, Sylviane et Alain - officiellement retraites de l exploitation - dans leur maison familiale, entouree des batiments ou sont logees les betes. Il n y a que la route a traverser pour decouvrir la maison de la grand-mere Francoise, 81 ans recemment diagnostiquee Alzheimer. Son fils Regis, vit quant a lui a quelques metres dans une autre maison familiale ou sa compagne devrait accoucher d ici quelques mois...
Alain, le pere de Marie-Claude. Bien qu officiellement retraite de la ferme, il continue chaque jour a aider Marie-Claude a la traite des vaches. Il est en traitement pour une lourde pathologie
Alain et Sylviane, les parents de Marie-Claude, agriculteurs officiellement retraites, sont tous deux issus de familles paysannes des environs du Vals-des-Tilles. Ils vont feter leur quarante ans de mariage et tout en vivant avec leur fille, continuent a aider Marie-Claude aux taches de la ferme, notamment a la traite des vaches qui a lieu 2 fois par jour, ce qui represente environ 5 heures de travail. Ils ont eu trois enfants: Jean-Luc, 37 ans, marie et travaillant sur Dijon dans une enseigne de materiaux plastique, Marie-Claude donc et une autre fille decedee de myopathie a l age de 4 ans. Marie-Claude avait alors 7 ans et d apres sa mere c est a partir de ce moment-la qu elle a commence a prendre du poids... « Avec le travail de la ferme, on a pas su tout gerer en meme temps » dit Sylviane comme pour s excuser...
Alain et Sylviane, les parents de Marie-Claude vont chercher le troupeau de vaches dans le pre voisin pour le conduire a la salle de traite.
Alain en tete du troupeau de vaches qu il ramene sur la route pour la traite du soir.
Sylviane, 57 ans, la mere de Marie-Claude, vient d une famille d agriculteurs installes depuis plus de deux generations a Villemervry. Avec sa mere et son frere, ils sont ainsi proprietaires de plusieurs batiments au coeur du village. A 9 ans, Sylviane etait deja capable de traire seule une vingtaine de vaches avec une trayeuse et a 12 ans, elle a appris a conduire le tracteur de la ferme. Quand elle a passe son permis, nous dit-elle « j avais plus de 10 ans de conduite et c etait pas evident pour recuperer les mauvaises habitudes » ! En plus des activites quotidiennes de la ferme auxquelles elle continue de participer, Sylviane travaille a temps partiel depuis 1995 comme aide a domicile dans un service d ADMR (Aide a Domicile en Milieu Rural), plutôt contente de cet emploi, elle dit avoir choisi le metier qu elle souhaitait en travaillant aupres personnes agees.
Alain vient de rentrer les vaches dans la stabulation. Alain, 68 ans, le pere de Marie-Claude, a officiellement pris sa retraite d agriculteur depuis 10 ans. Il a ainsi transmis une partie de l exploitation a sa fille. Mais il continue de travailler sur la ferme en participant a la traite des vaches, 2 fois par jour, ce qui represente une bonne demi-journee de travail. C'est avec une pointe d amertume qu il parle aujourd hui de sa vie d agriculteur: « on s'est agrandit et puis au final, on a rien gagne », tant il constate que sa fille doit travailler dur - certes, accompagnee de son oncle Regis - pour maintenir l exploitation a flot.
Marie-Claude dans l etable un biberon de lait va nourrir ses veaux. Elle est suivi par l un d entre eux.
Sylviane, la mere de Marie-Claude, dans la salle de traite, venant de retirer la trayeuse a une vache
Marie-Claude et son pere Alain dans la salle de traite
Regis, 47 ans, l oncle de Marie-Claude et le frere de Sylviane, agriculteur de pere en fils. Ici, dans la salle de traite bien qu etant plus particulierement en charge de la culture des cereales; pour monter le GAEC il a repris les terres de son pere. Depuis quelques mois, il vit avec une jeune femme, egalement issue du milieu agricole, dont il attend un enfant.
Un veau vient de naitre et Marie-Claude doit vite le separer de sa mere avant qu il ne prenne l habitude de la teter
Marie-Claude a appris à se servir d'internet pour la gestion du GAEC. Elle fait toutes ses factures avec son ordinateur
Repas de famille du samedi midi avec Jean-Luc, le frere de Marie-Claude qui vient voir sa soeur et ses parents toutes les semaines depuis Dijon.
Alain, le pere de Marie-Claude, revient de la cueillette des haricots qui vont etre prepares en conserve. La boiterie d Alain provient d un coup porte par un taureau a l arriere d un genou
Francoise, la grand-mere et Sylviane sa fille vont donner a manger aux poules
Alain, en train de nourrir les veaux et les genisses
Marie-Claude avec ses parents chez eux, regardent la grand-mere arriver sur le seuil de leur maison. Sylviane est en train d equeuter des haricots pour le repas du soir.
Dejeuner en famille dans la maison des parents de Marie-Claude. Suzanne, la grand-mere vient dejeuner avec eux, n arrivant plus a prendre ses repas en charge.
Comme tous les midis, dejeuner familial: Alain, Marie-claude, Sylviane et sa mere, Francoise. Au menu, cotes de porc grillees a la poele, mayonnaise et lentilles.
Sylviane, la mere de Marie-Claude et sa mere Francoise pendant le dejeuner, a qui on a diagnostique la maladie d Alzheimer. Sylviane n a ce jour-la qu'une heure pour dejeuner avant de repartir travailler. Elle est aide a domicile aupres de personnes agees.
Françoise, que tout le monde appelle "la grand-mere ». C'est la mere de Sylviane, elle a 81 ans et a ete diagnostiquée Alzheimer depuis moins d'un an. Ayant passe la plus grande partie de sa vie à la ferme de Villemervry, elle peut faire aujourd hui plus de 10 kilometres par jour, deambulant de chez elle, a la maison de sa fille, allant nourrir ses poules plusieurs fois par jour et les faisant rentrer le soir tombe par crainte des attaques du "renard"....
Françoise, que tout le monde appelle "la grand-mere » chez elle, dans sa cuisine. C'est la mere de Sylviane, elle a 81 ans et a ete diagnostiquée Alzheimer depuis moins d'un an. Ses troubles cognitifs se confondant avec des signes de depression depuis qu elle vit seule sans son fils, Regis, qui s est pourtant installe a quelques metres de chez elle. Francoise fait partie d une fratrie de 8 enfants. A partir de l age de 4 ans, ses parents ne peuvent plus s occuper de leurs enfants et Francoise se retrouve placee en famille d accueil. Son mari etant prematurement decede de la silicose, elle est aujourd hui veuve depuis plus de 30 ans et a passe la plus grande partie de sa vie à la ferme de Villemervry.
Tiphanie et Regis, l oncle de Marie-Claude avec leur fils Morgan, 9 mois. Tiphanie qui, pendant sa grossesse, avait envisage suivre une formation de gestion des metiers agricoles , y renonce aujourd hui en raison de son coup trop eleve:3000 € en financement individuel et le double si c est le GAEC de Regis et Marie-Claude qui prend en charge la formation. Les rougeurs sur le visage de Morgan viennent, d apres sa mere, de demangeaisons
Marie-Claude en train de rassembler son troupeau de vaches pour les conduire a l etable pour la traite du soir
Francoise, la grand-mere de Marie-Claude, diagnostiquee Alzheimer vivant seule chez elle dans sa maison a quelques metres des habitations de son fils et sa fille
Sylviane et Alain, les pareents de Marie-Claude
Marie-Claude apporte du foin a ses genisses restees au champ
Marie-Claude apporte du foin a ses vaches restees au champ. Je n'étais pas retournée voir Marie-Claude depuis la fin de l'année 2019 jusqu'à ce jour froid et pluvieux de novembre 2021. Depuis 2 ans, le covid ayant épargné toute la famille, une mini révolution est en route dans l'exploitation de Villemervry. Marie-Claude et son oncle Régis ont décidé de passer au bio. « Le but du bio pour nous c'est de ne plus acheter de produits phyto et d'être complètement autonomes » explique Marie-Claude. Depuis des années, ils constatent « qu'après avoir payé les factures des engrais et des produits phytosanitaires, il ne leur restait plus rien... » souligne Régis. Alors, sans être convaincu à 100 % du bien fondé de leur conversion, ils ont décidé de signer un contrat bio pour 5 ans avec la chambre d'agriculture. Cette année 2021, dit Régis, c'est la première année qu'on touche des sous, puisqu'on a plus les factures d'engrais. Histoire à suivre...VOIR REPORTAGES CRO0241 et CRO0242 pour plus d'infos